Caractéristique matérielle : Couv. ill. en coul.
Bibliogr., 1 p. Glossaire, Dimension : 21, Nbr de pages : 1 vo,
Résumé :
Chasse-marée et tatouage
Où l'on apprend comment, malgré ma mauvaise fortune, mon avenir paraissait assuré, et combien je regrettais que ce fût le cas.
Je suis né le 12 août 1769, à Audierne. Une affirmation à laquelle j'ai longtemps cru. Je n'avais en effet aucune raison de mettre en doute la date qu'indiquait l'un des registres de l'évêché de Pont-Croix, en face du nom et des prénoms auxquels je réponds toujours : Houareau, Basile Félicien Marie. Ces mêmes livres portent, avant les indications de baptême, la mention : «Né à Audierne de Houareau, François Louis Arsène, maître de barque ; et de Houareau, Jeannette Ernestine, née Lagadic, épouse du ci-dessus». Pour faire bonne mesure, un abbé consciencieux ajouta les lieux de naissance de mes parents et, indication assez rare pour être remarquée, la date approximative de leur venue au monde. De mes géniteurs tels qu'ils sont portés sur ce registre, je ne savais rien avant que l'on ait lu cette notice en ma présence, un peu après mes six ans, en de bien tristes circonstances. Car je ne compris pas, sur le moment, en quoi cette Lagadic Jeannette Ernestine était liée à ma petite personne, d'autant que je n'avais jamais entendu parler de ce Ducidessus qu'elle avait épousé. Ma vraie mère, elle, répondait au doux nom de Chanig. Quant à ce père que l'on me prêtait, ce Houareau François Louis Arsène, il m'était connu sous le nom de Fanch, qu'utilisaient tous ceux qui avaient besoin de lui, incluant votre serviteur. Enfin ce statut étriqué de «maître de barque» disait bien mal ce que je savais fort bien : Fanch avait été le patron puissant, invincible à mes yeux, de deux fiers chasse-marée construits à Pont-l'Abbé, tous deux pontés et pourvus d'un tapecul presque aussi épais qu'un véritable artimon, ce qui en faisait quasiment des trois-mâts. Il commandait celui au nom mystérieux, l'Abaca, qui jaugeait ses soixante tonneaux et comptait huit matelots et un second, et laissait le deuxième de cinquante tonneaux, baptisé la Tortue - un nom que j'ai longtemps cru dépréciatif - aux soins de six marins sous les ordres d'un certain Penn Goulleg, dont il ne me reste qu'une vague souvenance, bien que je dusse, à cette époque, le voir tous les jours y compris les dimanches puisqu'il avait sa place sur le même banc que nous à la messe.